Plaidoyer d’un accusé

“La rétention d’eau, clé de l’agronomie : comment gérer son sol afin d’y garder l’eau le plus longtemps possible. Chose que j’apprenais en école agricole. Des gouttes sur un pare-brise sont retenues par cette réaction physique qu’est la rétention d’eau.

Alors comment se fait il que nous, humains, génies des sciences, constructeurs défiant la gravité, connaissant cette règle physique, son mécanisme, le mécanisme des sols par les organismes vivants, et surtout la mise œuvre de tout ceci, en arrivons à vider un territoire de sa ressource hydrique pour remplir des bassines de plusieurs hectares ?

Nous avons tant détérioré les sols et nous nous obstinons tant à cultiver ce maïs pour alimenter du bétail. Poursuivant ainsi un modèle intensif, agricole, sociétal et humain qui n’est jamais rassasié.

Dans un contexte charnière pour les espèces vivantes en général, l’extinction de masse qui est en cours est un fait, établi, quantifié, visible et crié par les scientifiques du monde entier.

“Par son appétit insatiable de croissance économique incontrôlée et inégalitaire, l’humanité est devenue une arme d’extinction massive”. Ce sont les mots d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

C’est dans ce contexte que l’État français ferme les yeux et subventionne la tromperie que représente cette “alternative d’irrigation”.

Lorsque des ruisseaux sont encore à sec en Décembre, qu’on y voit la vie y asphyxier dans les dernières flaques restantes… construire des rétentions d’eau allant jusqu’à 18 hectares n’est en aucun cas une bonne idée : c’est une superbe démonstration d’idiotie, totalement contraire aux lois de l’agronomie et des sciences agricoles elles-mêmes, ainsi qu’au bon sens commun, et surtout à l’effort collectif que nous devons fournir pour faire braquer le navire à 180° pour espérer un avenir.

Chose que les membres du gouvernement se donnent une joie de rappeler, via des petits gestes utiles comme débrancher ses appareils le soir, couper le Wi-fi, etc.

Nous nous basons sur des faits pour défendre notre position : perte significative de la biodiversité sur l’ensemble de la planète Terre, épuisement des ressources, pollution de l’air, de l’eau, inondation, sécheresse, feux, tornades, propagation massive de virus.

Vous vous basez sur des espérances pour défendre vos positions. A raison, car que serait un monde sans espoir ?

Mais vos espoirs sont égaux à votre vision, ils sont économiques et autocentrés.

L’espoir de faire vivre le maïs l’été malgré la sécheresse, l’espoir d’avoir des rendements suffisamment hauts pour en tirer des bénéfices, l’espoir de pouvoir gérer et manier le vivant à votre convenance sans que cela n’ait d’impact, ou sans se soucier de l’impact que cela aurait.

Ce qui se passe aujourd’hui dans ce tribunal, c’est cela. L’opposition de deux visions, de deux espoirs.

La vision consumériste sans limite pour créer de la ressource alimentaire et financière, même si cela tue un territoire ; et la vision de la reconstruction, de dépollution du monde thermo-industriel, d’une alimentation saine, locale et respectueuse ne dégradant pas les écosystèmes sur son passage.

Deux modèles, David contre Goliath.

Que faire en tant que citoyen d’un pays, bien entendu sous son aspect législatif entre autre mais avant tout d’une terre, d’un écosystème lui permettant de vivre ?

Lorsque le pillage en bande organisée s’opère aux yeux de tous et toutes, sous couvert d’emploi et d’économie, j’entends l’importance de l’emploi stable pour un pays, mais que faire, rester inactif, ne pas se sentir concerné ? Alors que je ne peux que constater la possibilité de produire autrement, plus équitablement, plus respectueusement de l’Humain et de la Nature.

Mais de quoi parlons-nous concrètement ici ?

Les chefs d’inculpation parlent d’une entrée par effraction dans un “lieu destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels”.

Expliquez moi comme si j’avais 6 ans. Est-ce que pour vous l’eau correspond à : des fonds ? De l’entrepôt de valeur ? Une marchandise ? Du matériel ?

Ou est-ce que nous parlons d’un stockage d’une immense bâche plastique, peut-être abritée par l’eau pour ne pas qu’elle s’abîme en vue d’être revendue, comme des pommes dans la cave d’un maraîcher ?

Car oui, en rappel nous parlons d’agriculture, de création de nourriture “par l’espèce humaine pour l’espèce humaine”.

Des subventions allant jusqu’à 70%, 67% en l’occurrence pour cette bassine, au profit de 4% d’agriculteurs et d’agricultrices.

Nous parlons ici d’une somme d’argent public de “3 685 000 €” pour financer ces folies qui sont elles-mêmes reconnues comme illégales et donc non exploitables. Qu’advient-il de ces 3 685 000 € d’argent public ?

Arrêtez-moi si je me trompe, mais comment au regard de tous ces éléments ne pas clairement voir un faisceau d’indices constituant une preuve du non-sens complet que les bassines, leur système économique et environnemental représentent.

Il est possible d’avoir une profusion alimentaire à travers le monde. Nous en avons la capacité. Alors pourquoi nous entêtons-nous encore dans un modèle sans avenir ? Pourquoi le défendre encore ? Pourquoi, pour une fois, ne pas reconnaître les erreurs commises par le passé afin d’aller sereinement vers l’avenir ?

Il est possible d’avoir une profusion alimentaire à travers le monde. Nous en avons la capacité. Alors pourquoi nous entêtons-nous encore dans un modèle sans avenir ? Pourquoi le défendre encore ? Pourquoi, pour une fois, ne pas reconnaître les erreurs commises par le passé afin d’aller sereinement vers l’avenir ?

Quand 1700 gendarmes mobiles et 7 hélicoptères sont mobilisés sur plusieurs jours, et que les pratiques de financement agricole ne changent pas, gardant un cap sur une agriculture productiviste, c’est un choix et un coût.

Lorsque la Section de Recherche passe du temps à monter un dossier sur des défenseurs de l’environnement, allant jusqu’à solliciter INTERPOL, c’est un choix et un coût…

Que dire à l’Éducation Nationale, aux hôpitaux, à l’OFB ou à l’ONF; qui perdent chaque jour des postes, pour qui il est de plus en plus difficile d’atteindre les objectifs premiers, et cumulant ainsi démissions et suicides ?

Lorsque le gouvernement ou les industriels nous appellent à l’aide pour la transition énergétique et écologique, mais que dans les faits nous sommes à l’opposé… Ressentez-vous cet écart entre le discours et les actes ?

Un écart réel, palpable, financier. L’engagement de l’État sur la question environnementale est faux.

Avec d’un côté un discours verdi et culpabilisant pour les citoyens et citoyennes de ce pays, et de l’autre des subventions pour un modèle destructeur et dénué de sens, des autorisations de pompage même lorsque tous les indicateurs sont dans le rouge.

Agir, tenter même l’infiniment petit pour ouvrir une brèche dans ce constat n’est que ce que nous devions faire. Nous n’avons ni honte ni regret d’avoir participé à cette manifestation, ni de soutenir à 100% la démarche.

On ne peut sciemment laisser faire cet accaparement de l’eau au profit d’un modèle destructeur.

En votre âme et conscience”.