La Prévalaye à Rennes (35)

Comment les projets de bétonnisation sont devenus le fléau de la biodiversité en France

Mais déjà, c’est quoi “La Prévalaye” ?  C’est un espace de 450 hectares à l’ouest de Rennes, à dominance agricole, qui prend le rôle de “ceinture verte” de la ville. Il est aussi juste à côté du Stade Rennais, club de football possédé par le milliardaire François Pinault.

On y trouve des jardins partagés, le jardin des 1000 pas, l’entreprise de collecte des déchets “Les Rennes du Compost”, des prairies naturelles, un chêne centenaire magnifique ou encore une ferme pédagogique en permaculture… C’est un espace vert très apprécié des Rennais.es pour sa (bio)diversité.

Mais ! L’accaparement progressif des terres et son urbanisation rampante sont sur le point de le détruire.

Source : Archives municipales de Rennes

Le Stade Rennais, l’image de marque de la ville d’après la mairie et les élus, veut agrandir ses terrains d’entraînement sur 8 hectares de la Prévalaye – en plus des 12 hectares déjà investis.

Leur argument principal : permettre aux femmes et aux personnes en situation de handicap d’avoir leurs espaces d’entraînement dédiés. Une “excuse” bien pratique pour casser du sucre sur le dos des opposants au projet, qui préfèreraient donc défendre la nature que l’humain ?!

Le Stade Rennais veut déposer un permis de construire cet automne 2021. Les jardins familiaux, entres autres, seront rasés à la faveur de nouveaux équipements accessoires : bandes d’échauffement, mini-terrains, parkings et routes.

Écologiquement, ça signifie :

Un danger pour l’eau

Une récente étude environnementale a démontré qu’une nappe phréatique est présente tout près de la surface du sol dans plusieurs zones de cette partie de la Prévalaye.

Les travaux imperméabiliseraient les sols et nuiraient au cycle naturel de l’eau dans ce milieu.

Un danger pour la faune

Perma’G’Rennes, coopérative agricole périurbaine installée en bordure de la zone menacée, a entamé un travail d’essemage pour attirer les oiseaux. Mais si les haies bocagères disparaissent, cette démarche ne servira plus à rien.

Alerte au paradoxe : la ville de Rennes a tenté il y a plusieurs années de réintroduire la salamandre à la Prévalaye, convaincue que ça n’allait pas fonctionner. Sauf que pas de bol, si !

On se retrouve donc avec une mairie qui fait du rétropédalage sur ses démarches, et vend sans sourciller au Stade Rennais les terres qu’elle voulait préserver il y a encore quelque années.

Du côté des élus, tout est paradoxal (ou corrompu ?) dans ce projet d’extension.

Par exemple, le 7ème élu de la Ville de Rennes, adjoint à la biodiversité et responsable de ce projet d’extension du Stade Rennais à la Prévalaye, c’est Didier Chapellon.

(déjà c’est un adjoint à la biodiversité en charge d’un projet de bétonisation…)

Didier Chapellon

“Mes principaux objectifs seront de perméabiliser et végétaliser massivement la ville. Aussi, nous conforterons les espaces verts, naturels et agricoles” (vraie citation) (lol)

Aux élections municipales de 2020, le groupe d’Europe Écologie Les Verts, arrivés 2ème au premier tour, se couche pour laisser l’avantage à la gauche de Nathalie Appéré au second tour.

Une manœuvre stratégique en l’échange de laquelle 9 membres d’EELV se voient offrir des postes d’élus, dont Didier Chapellon qui devient, comme on l’a dit, adjoint délégué à la biodiversité et responsable du projet d’extension de la Prévalaye.

Sauf qu’avant de rejoindre le conseil municipal de Nathalie Appéré, plusieurs interventions de Didier Chapellon au sujet de la Prévalaye le présentaient comme détracteur de ce projet d’extension. Il n’existe pas de trace officielle, mais il semble avoir depuis changé d’avis…

Sur le site Internet officiel du Groupe écologiste et citoyen de Rennes Ville et Métropole, notez que la page dédiée à Didier Chapellon ne mentionne nulle part le projet de la Prévalaye, ni en bien ni en mal.

De toute façon, la “sociale-écologie” de Nathalie Appéré, on la connaît : du greenwashing politique en puissance, de l’écologie de façade où chaque promesse n’aboutit à rien hormis satisfaire les intérêts des élites locales (la hausse des loyers, l’encombrement de la Rocade, ça découle aussi de ça : une folie des grandeurs non assumée qui ravit les promoteurs immobiliers).

Source : Collectif de la Prévalaye

En jaune, les espaces déjà investis par des terrains d’entraînement du Stade Rennais.

En rouge, les espaces menacés par le nouveau projet d’extension.

Pour info, d’autres lieux auraient pu être envisagés pour cette extension du Stade Rennais :

LA JANAIS : en perdition depuis que le groupe PSA liquide peu à peu ses effectifs, cette zone industrielle située à quelques kilomètres seulement de la Prévalaye regorge de terrains déjà bétonnés, où il suffirait de reconstruire.

LA BARRE THOMAS : “à deux pas du Roazhon Park” comme il est précisé dans la presse, cette ancienne usine automobile a été démolie pour céder la place à un nouveau complexe commercial et industriel où sont également attendus des “activités de divertissement, de sport et de loisir”… hum, ben des terrains de foot, pourquoi pas ? 

Mais les élus ont toujours affirmé que le projet ne pouvait pas être envisageable ailleurs qu’à la Prévalaye, préférant faire payer plus cher au Stade Rennais pour détruire un espace préservé…

Le projet est officiellement annoncé en Juillet 2020.

Mais ! Après une première pétition en 2018, à cause d’une piste bitumée construite à la Prévalaye après une consultation citoyenne qui n’a pas été respectée, la mairie, à la force d’une contestation grandissante, ne veut plus faire de fautes : elle créé en octobre 2020 un comité de gestion dans lequel professionnels et associations ont un droit de regard sur le projet (+ un riverain déjà membre de la contestation des riverains face aux nuisances du MeM, lieu culturel et musicale aux abords de la Prévalaye).

Dans ce comité, on retrouve notamment Didier Chapellon. Mais, d’après les membres du Collectif de la Prévalaye, ce comité n’a rien de productif : les élus ne passent jamais sur le terrain, il faut batailler pour demander des nouvelles, des documents importants ne sont pas transmis ou alors en retard…

Notre contact au Collectif de la Prévalaye évoque souvent des “mensonges par omission”, des invitations à des réunions qui ne sont pas toujours envoyées aux opposants au projet…

(ferme qui n’a pas souhaité rejoindre le comité)

Perma G’Rennes

“Tant qu’il y aura mensonge et non respect des élus sur leurs engagements vis-à-vis de la protection de la biodiversité et des terres vivrières de la Prévalaye, tant que les élus n’auront pas compris que le football est moins important que l’agriculture vivrière niveau enjeux climat, protection de la biodiversité et lien social, et tant qu’il n’y aura pas de débat et de prise de décision démocratiques au sein du comité de gestion de la Prévalaye”

Le Collectif de la Prévalaye, voisin de Perma G’Rennes, est créé en 2018 sous le nom de “Collectif de sauvegarde de la Prévalaye”.

Avec d’autres collectifs et associations, comme Extinction Rebellion, Résistance Écologique Rennes, Alternatiba, YouthForClimate… ils organisent le premier rassemblement festif et militant à la Prévalaye en Janvier 2021.

Le même mois, une action “Plantation Rébellion” permet de planter plus de 300 arbres en une après-midi, remportant une victoire sur le Stade Rennais : face à la pression, ils passent de 8 à 3,5 hectares de terrain ! (en réalité, le Stade Rennais a un peu mytho : la mairie de Rennes leur garde encore 5 hectares de côté)

Source : Collectif de la Prévalaye

Mais le coup de théâtre est en Avril 2021. A l’occasion d’une manifestation organisée avec Les Soulèvements de la Terre, interdite par la Préfecture et réprimée par un escadron policier important, 400 personnes ont tout de même marché jusqu’à la Prévalaye…

Une parcelle de terre appartenant à la ville a été prise et est depuis occupée par les militants de la sauvegarde de la Prévalaye : le JAD (Jardin A Défendre) de la Prévalaye est né !

Cette parcelle est destinée à devenir un parking du Stade Rennais. C’est maintenant un lieu où l’on cultive à la fois la nature et la lutte.

L’occupation est illégale, mais la mairie n’a pour l’instant pas annoncé d’expulsion, pour ne pas attiser les braises dans un contexte déjà très tendu.

Nous souhaitons que cet espace puisse produire de la nourriture pour les habitant.e.s du quartier, pour les personnes qui en prennent soin et pour des réseaux d’aide alimentaire locaux. Chacun.e peut y venir jardiner pour expérimenter, donner des graines ou des plants, échanger des conseils“.

Nous cultivons en utilisant des pratiques de non travail du sol : fauche, occultation, paillage… des techniques efficaces sur petites surfaces permettant de se passer de mécanisation tout en préservant la vie du sol.

Source : Affichage au JAD de la Prévalaye

Quels objectifs ?

– se réapproprier collectivement la Prévalaye, son paysage de bocage et sa vocation agricole historique

– maintenir et développer la production alimentaire locale paysanne

– préserver les ressources en eau et en biodiversité

– mettre fin aux baux triennaux (précaires) afin de garantir aux agriculteur‑rices sur place une sécurité et une pérennité

Se relier aux problématiques rennaises :

– freiner la densification et l’étalement de la ville

– entretenir l’inter-orga en mettant des forces en commun pour lutter contre d’autres projets (par exemple ViaSilva, à Cesson-Sévigné)

– amortir l’effondrement en encourageant des modes de vie alternatifs 

Collectif de la Prévalaye

“Nous aimerions que ce Jardin occupé puisse devenir autofertile, c’est‑à‑dire qu’il abrite une majorité d’espèces vivaces qui produisent sur le long terme sans grand entretien et sans apports conséquents de matière extérieure. Nous avons également envie qu’il soit un terrain d’expérimentation pour des jardinier.e.s en herbe, et qu’il conserve des parties sauvages évoluant d’elles‑mêmes ! Les zones non cultivées aident à soutenir la biodiversité du lieu et participent à un sentiment de dépaysement tout proche de la ville.”

Encourager un mouvement national des “Soulèvements de la Terre”

Face aux attaques continues contre les sols et les terres en France, dans la majorité des cas à cause de projets mercantiles entretenus par une société capitaliste et centrée sur son confort, il est grand temps de coordonner les luttes collectives et locale :

1) Occuper les terres : encourager les Z.A.D et les J.A.D

2) Bloquer les industries polluantes : boycotter ! saboter !

3) Cibler les institutions en charge de l’attribution et de la destination des terres

RDV tous les dimanches au J.A.D de la Prévalaye pour rencontrer les membres du Collectif et continuer la culture de la parcelle !